Les six aveugles et l’Eléphant

( Parabole de sagesse orientale )

Ils étaient six Indiens, aveugles de naissance,
Avides d’acquérir sagesse et connaissances ;
Sachant qu’on l’appelait ” Tonton” dans son village,
Ils eurent grande envie d‘étudier l‘éléphant
Qui, après son travail, descendait à la plage
Où il aimait doucher les petits et les grands !

Notre premier héros, butant contre une pierre,
Partit la tête la première,
Mais ses mains, lancées en avant,
Amortirent tout choc violent ;
« Allons ! » s‘écria t il, « plus de peur que de mal !
Je devrai une bosse à ce gros animal !
Il est vraiment  bâti en dur,
Autant vaut tomber sur un mur ! »

Le deuxième, tâtant une de ses défenses,
Dit d’abord : « J’y perds mon sanskrit !
C’est dur, rond, pointu et poli ;
Bon … je me rends à l‘évidence :
L’ Éléphant, c’est comme une lance ! »

Le troisième palpa la trompe de la bête
Qui s’enroula autour de lui,
Le fit pivoter, l‘étreignit,
Puis lentement s’en dessaisit ;
Sentant un tournis dans sa tête,
L’homme s’écria :”L‘Éléphant
Tient beaucoup, beaucoup du Serpent ! »

Le quatrième, en son impatience,
Sentit devant ses mains une circonférence,
Une patte du pachyderme ;
« Voyons voyons ! dit-il, « C’est cylindrique et ferme,
Le bas est évasé ;
L‘Éléphant a tout d’un pilier ! »

Le cinquième tâtant l’oreille éléphantine
S‘écria : « Voilà donc l’origine
De cet aimable courant d’air
Qu’envoient cette feuille de chair
Et tous ces muscles au travail !
L’Éléphant, quel grand éventail ! »

Le sixième, venant après ses compagnons,
Sentit comme un pinceau balayer son visage
Et saisit la queue au passage ;
« Ça remue, c’est souple, c’est long,
Eh bien, je vois que l’Eléphant
Ressemble fort à un cordage.

Six chercheurs, six avis; c’était troublant,
C’était plutôt cacophonique ;
Cependant nos chercheurs, esprits scientifiques,
Comptaient débattre posément;
Et c’est pourquoi, assis en rond,
Le jour, la nuit ils discutèrent,
Dirent ce qu’ils avaient découvert,
Non sans railler leurs compagnons ;
Chacun répétant mordicus:
“Je vous dis ce que j’ai perçu !”
 Enfin quand faiblit la lumière,
Peu à peu se durcit leur ton,
Se traitèrent de tous les noms,
Envenimant leur désaccord.

>Et pourtant tous avaient un peu raison
Et tous ils avaient tort