Janvier 2020 . Emission de télé “La Grande Librairie” : Vanessa Springora rend compte de son livre “Le Consentement”: son père, étant, nous dit-elle, “aux abonnés absents” suite au divorce de ses parents , elle tendait à voir dans l'”amour” de l’écrivain Gabriel Maztneff, au début de leur relation, l’affection de son père ; phénomène d’assimilation assez explicable chez une ado de 13 ans assoiffée de tendresse paternelle. Il lui fallut des années pour y voir clair, pour se dégager de l’emprise de son prédateur sexuel : l’écrivain quinquagénaire, qui prétendait initier des jeunes à la joie de la sexualité, relatait dans ses livres des expériences intimes où elle se reconnut, ce qui la blessa et finalement l’amena à rompre. Quant au prédateur, il réussit à passer entre les gouttes des enquêtes judiciaires; et son talent d’écrivain, reconnu de tous ( et par le président François Mitterand lui-même) le protégea.
Déjà en 1990, reçu à l’émission “Apostrophes,” il fut présenté par Bernard Pivot comme “un collectionneur de minettes : au dessus de vingt ans, on voit que ça ne (l’) intéresse pas”, ce que” Matzneff confirma : il n’eut jamais de succès, nous dit-il, auprès des femmes adultes; “une fille plus jeune est plutôt plus gentille, même si elle devient très très vite hystérique et aussi folle que quand elle sera âgée”…” Et de se se vanter de ses conquêtes en France (par ex : 3 jeunes filles en trois jours, dont deux vierges) sans parler du tourisme sexuel qu’il pratiquait avec des comparses dans des pays exotiques où il disposait de jeunes garçons prostitués de moins de 12 ans. Le paon faisait la roue….Mais soudain, devant Pivot et les nombreux téléspectateurs qui appréciaient l’émission, éclata l’indignation de Mme Denise Bombardier, écrivaine québécoise, invitée elle aussi ce soir-là :”La littérature a une sorte d’aura ici et sert d’alibi à ce genre de confidences … M. Matzneff me semble pitoyable ; ce qu’il nous raconte dans son livre est extrêmement ennuyeux parce que la répétition est extrêmement ennuyeuse ; il nous raconte qu’il sodomise des petites filles et que ces petites filles sont folles de lui ; les vieux messieurs attirent les enfants avec des bonbons ; M. Matzneff les attire avec sa réputation. Ces petites filles ont été non seulement séduites; mais ont subi aussi ce que l’on appelle un abus de pouvoir. La plupart d’entre elles sont flétries, peut-être pour le restant de leurs jours . Comment ces filles s’en sortent-elles ensuite ?” ….Eh bien, ami lecteur, le croirais-tu ? Le milieu littéraire et médiatique d’après 68 en était resté à la célèbre formule : “Il est interdit d’interdire”; une pétition signée de 70 intellectuels justifia la pédophilie, l’homosexualité, l’adultère, l’inceste, ces sommités voulaient les dépénaliser, bref on était loin, très loin alors de l’état d’esprit “Balance ton porc”ou “Me-too”; ce microcosme insulta grossièrement Mme Bombardier: elle fut appelée la “mal baisée”, etc, etc. C’est par la suite, dans les années 90 que l’étoile de Matzneff pâlit , lorsque de plus en plus de psys révélèrent les dégâts sur la génération montante.
Il faut dire que la mère de Vanessa , plutôt flattée de voir sa fille en compagnie d’un bel homme au charme slave, écrivain en vue,(officier des arts et lettres, prix Mottard et prix Amic de l’Académie française, prix Renaudot, prix de la brasserie Lip..) ne s’indigna nullement de cette liaison . Il semble que la prise de conscience, puis la reconstruction de Vanessa Springora aient pris des années parce que la jeune femme dut compter surtout sur elle-même ; adepte de la lecture, elle entreprit des études littéraires en faculté, elle prit de la hauteur …mais dépassa t-elle ses souffrances ? aujourd’hui , elle occupe un poste de direction dans la maison d’édition Julliard.
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Dans la France d’aujourd’hui, des pères aux abonnés absents, c’est chose relativement courante ; c’est souvent dû à un divorce, comme ce fut le cas avec le père de Vanessa . Ma femme et moi avons connu Geneviève, –alors trentenaire,– jeune femme née sous X, que sa tante avait élevée et choyée comme sa propre fille ; la tante “Louise de Paris” comme nous l’appelions, était une septuagénaire vive, très enjouée, très dévouée à ses semblables: ceux qu’elle appelait “ses petits vieux”, à qui elle demandait de ne pas se laisser aller, étaient souvent moins âgés qu’elle ! Or, malgré la gaieté et la tendresse de sa tante, Geneviève n’était pas heureuse, son visage était fermé et grave, nous ne l’avons jamais vu rire , elle aspirait désespérément à connaître son père ; cette soif d’amour paternel lui fit entreprendre force recherches — qui furent vaines ; sa souffrance faisait d’elle une écorchée vive. Un exemple entre mille : alors que ma femme et moi la recevions chez nous avec sa tante, suivant l’habitude que j’avais chaque matin avant de partir au travail, j’allumai la radio pour écouter les dernières nouvelles. Geneviève, nous apprit sa tante, prit cela très mal: elle m’en voulut, croyant que je la traitais en quantité négligeable et certainement en souffrit. Vous me direz que beaucoup d’enfants, filles et garçons, sont dans des situations similaires et qui ont existé de tout temps; vous me direz aussi que ces enfants ne sont pas tous névrosés comme Geneviève, et que certains sont parfaitement “normaux” et épanouis ; c’est possible .
Reste que les législateurs d’aujourd’hui, ceux qui semblent trouver normal une famille sans père, et qui, par leur vote, peuvent accroître le nombre de telles familles, feraient bien d’observer autour d’eux, de se renseigner auprès des professionnels : médecins, psychologues, psychiatres, qui soignent des Vanessa et des Geneviève, de réfléchir aux dégâts qu’entraîne l’absence du père, de se poser la question formulée par Denise Bombardier: Ces jeunes ne sont-ils pas marqués à vie ? Comment s’en tireront ils plus tard ?”
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