Les amours

L’ Amour, le Bel Amour qui vous saisit un jour,
L’Amour dont on voudrait qu’il demeure toujours,
L’Amour, le Bel Amour est comme l’alouette
Qui chante dans l’azur à en perdre la tête ;
L’Amour, le Bel Amour vous réunit à l’AUTRE,
On ne pense plus “MOI”, on pense “NOUS” et “NÔTRE” ;
Cet Amour, parait-il, est une grande orange
Qu’on divise en quartiers, que l’on donne et qu’on mange ,
L’AUTRE qui les reçoit vous en remet aussi
Et chacun est égal à l’AUTRE et le nourrit ;

Et l’AUTRE, hélas, vous dit parfois: « Je n’en veux plus » ;
Le ciel s’écroule alors, l’azur a disparu .

« Ami(e), crois-tu avoir un nombre de quartiers
Suffisant pour la vie de l’être bien aimé  ?
En ce monde où tout passe et tout casse et tout lasse ,
Il faut aux amoureux une bien belle audace
Ou de l’aveuglement »– « Que Dieu donne sa grâce !»

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L’orange est quelquefois dispersée à la ronde ,
A la mince, à la brune, à la rousse, à la blonde ;
« Cupidon, galopin, complice d’Aphrodite,
Visant notre désir plus que notre bonheur,
Comme tu dois aimer les émois que suscitent
Tes flèches enflammées décochées dans les cœurs ! »

« Attraction, coups de cœur, amours-vagabondages,
Amours papillonnants qui ne se fixent pas,
Amours virevoltants poursuivis à la plage,
Amours étourdissants où l’on rit aux éclats,
La danse du balai, au revoir, partenaire,
Trois tours et guère plus avec sa cavalière,
On s’amuse à zapper et les bulles sont là,
Et le bal se poursuit et l’on ne rêve guère,
Et l’on boit un bon coup si chagrin il y a,
Et l’on se sent léger, c’est le printemps de l’âge,
Et l’on est un peu gris, au diable les tracas,
Au diable les leçons des parents et des sages,
Et chacun des danseurs vit au présent, pour soi
Et préfère ne pas penser à l’avenir,
Au temps qui, se dit-il, ne peut que l’alourdir ;»

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Ainsi l’on s’étourdit sur les rythmes du temps,
Et pourtant peu à peu un nuage se glisse,
Bal, champagne, gaieté et grands feux d’artifice
Sont pour l’esprit blasé de plus en plus factices ;
La réserve d’amour, le fruit, comme une fleur,
Se fane et dépérit peu à peu dans les coeurs,
Et bientôt vient le jour où l’orange n’est plus,
La source en est tarie, le jus a été bu ;
A l’horloge là-bas une heure étrange sonne
Et l’on se dit tout bas : « N’aurais-je aimé personne ?»